« Avant toute construction politique ou tout regroupement économique, l’espace du Sénégal se vivait dans ce degré zéro d’une société qui se construit pour elle-même et son environnement. Le quotidien des populations du Sénégal se déroulait dans un espace vécu et occupé depuis des millénaires. Entre: Tounde, deuk, kunda, Cossan, Khour, bois, pistes de chasse, champs, puits, autels, places, sentiers et cours d’eau. Tout le spectre de la diversité de l’écosystème se déclinait entre savane, plaine sablonneuse, vasières, côtes, plateaux quaternaires, bassins sédimentaires ou vallées limoneuses. L’occupation humaine gardait toujours ce lien avec la terre, l’horizon des rites et la réciprocité des échanges. Le monde était à l’endroit et l’histoire déroulait la longue durée de son temps long. Elle pouvait se clamer dans les langues locales ou se figer dans le sol de roches, sédiments ou amas coquilliers. Les hiérarchies sociales et les ordres en castes et lignées surgiront pour différencier les familles, les villages et leur communauté de terroirs. La communauté de la langue, du sol, de la parentèle, des rites, et des échanges locaux forgeait ainsi l’unité la plus généralisable, la plus homogène, la plus récurrente, et la plus durable. Cette matrice de la société survivra et se nourrira des migrations, du commerce, des alliances et ruptures de grande échelle. »
